dimanche 18 novembre 2012

Les peuples originaires au milieu de la guerre


6 novembre 2012

Manuel Rozental, fondateur du « Tissu de Communication et relations externes » de l'Association de Cabildos Indigènes du Nord du Cauca (ACIN) analyse l a guerre colombienne depuis la perspective des peuples originaires.

L’Histoire de la résistance du Peuple Nasa est une de plus parmi toutes celles qui peuplent l'Amérique (Abya Ayala). Sa lutte, marquée par la répression, les assassinats de leaders et les massacres, a permit la reconnaissance de 544 000 hectares comme territoire indigène, en plus d'avoir réussi une réforme constitutionnelle de 1991 où ont été rédigés les Droits fondamentaux des peuples originaires.

« La première action, fondamentale, est la résistance des peuples à chaque étape, depuis la conquête espagnole jusqu'à maintenant. Une fois que l'on a reconnu qui était l'agresseur, quelle stratégie il use, quels objectifs il a, et, en prenant en compte ces éléments, le peuple se réorganise en s'appropriant ce dont il a besoin pour résister à l'agression. Voir, penser et agir. C'est le cadre général. Et là s'abat cette agression du néolibéralisme, du Plan Colombie, de la globalisation et des multinationales qui sont les bénéficiaires de tout ceci. » raconte Manuel Rozental, médecin, « communicateur », stratège et activiste colombien exilé au Canada, fondateur et premier coordinateur du Tissu de Communication et Relations Externes de l'Association de Cabildos Indigènes du Nord du Cauca (ACIN). 



Quel est le contexte de lutte sur le territoire ? Quels sont les ressources qui sont en jeu ?

C'est la toile de fond : ce qui a été analysé par l'ACIN et par tous les peuples indigènes de Colombie durant trois ans c'est qu'avant les propriétaires terriens venaient pour créer de grandes haciendas et exploiter la terre et les indigènes, les afro-colombiens et les paysans. Ce qui a changé récemment c'est que maintenant la dispute territoriale est encore pire et elle se joue avec un acteur différent, corporatif, supranational et transnational : un acteur externe. C'est ce qui se joue dans tout le pays. La général Pace, à l'époque commandant du Commando Sud des États-Unis (puis commandant pendant la Guerre d'Irak et finalement commandant de toutes les forces des USA), a expliqué au congrès des États-Unis qu'il y avait cinq motifs de sécurité nationale pour les nord-américains sur le continent : l'eau, l’oxygène, le pétrole, la biodiversité et l'activité minière. Juste après sort le document du Plan Colombie.

Et le document relatif à ce Plan, élaboré aux États-Unis, parle d'une occupation territoriale dans le but d'accéder aux ressources vitales pour les corporations transnationales et le capital que représente et sert les États-Unis. Dans la zone Nord du Cauca il y a toutes ces ressources, mais en plus il s'agit d'un couloir stratégique entre la côte pacifique et les plaines orientales, et, avant tout, c'est le cœur de la résistance populaire non-violente (ce qui ne veut pas dire pacifique) au projet d'occupation territorial.

Qui sont ceux qui exécutent cette politique dans le Cauca ?

Il y a deux composants. Il y a une stratégie centrée sur le militaire, très sophistiquée et de longue date, qui est l'intention de transformer la guerre, et peu importe d'où elle vient, en une manière d’accéder aux territoires stratégiques. C'est quelque chose qu'il est difficile de comprendre depuis l'extérieur, selon la logique qui affirme qu'il y a un camp armé des gentils, et un camp armé des méchants. Mais toujours est-il que depuis un point de vue géostratégique, il importe peu que la guerre vienne des insurgés ou des combinaisons de paramilitaires ou l'armée, police et forces armées de l’État, légaux ou illégaux, ce qui est est important c'est que le résultat final de la guerre soit l'expulsion et la spoliation du territoire pour accéder à ces ressources et désarmer la résistance.

C'est le point de vue militaire. Mais le Plan Colombie combine terreur et guerre avec la propagande et la politique publique. La Plan Colombie parle de « Consolidation », ce qui signifie le transfert de fonds à des programmes sociaux : santé, éducation, logement, alimentation, marchés et contrôle des militaires. C'est la carotte et le bâton. Le message pour la population est : au choix : ou vous vous soumettez à ces politiques et en échange vous donnez le territoire et le travail aux multinationales ou vous prenez des coups de bâton. C'est à cela finalement que contribuent les insurgés (guérilla), dans le Nord du Cauca, qui est dans le secteur d'influence des FARC.

D'autres part on peut voir la présence de nombreuses ONG de gauche ou de droite sur le territoire, avec chacune son langage, mais qui viennent toutes supplanter l’État en termes de plan sociaux, divisant au passage les communautés ou substituant par exemple les cultures et la projection collective pour leur bénéfice propre et finalement celui du régime, c'est à dire, de l'accumulation de capital des transnationales. Si les communautés n'acceptent pas, la réponse est qu'il n'y a pas d'argent et qu'il y a la guerre. Les insurgés et l'armée viennent occuper le territoire, avec entre 15 000 et 30 000 soldats, en plus de la police et de toutes classes de services secrets militaires, et en même temps on voit plus de FARC que jamais dans l'histoire du Nord du Cauca, qui transforment le territoire ancestral et autonome en un théâtre d'opérations militaires. C'est la même dynamique que l'on observe pour tous les peuples indigènes du pays.

Et quelles sont les action menées par les peuples indigènes ?

La première action, fondamentale, est la résistance des peuples à chaque étape, depuis la conquête espagnole jusqu'à maintenant. Une fois que l'on comprend que le modèle économique actuel est le problème fondamental, tout devient clair, et ce qui est clair c'est que tous seuls nous ne pouvons rien. Jusqu'à maintenant le mouvement indigène, et en particulier le peuple Nasa, avait lutté pour résister et défendre son identité et sa culture. Ce qu'il continue de faire, mais maintenant il comprend que pour le réussir, il faut s'unir avec d'autres peuples, d'autres cultures car ce projet de spoliation et d’ethnocide est global et l'agresseur n'est même pas sur son territoire, mais est transnational et supra-gouvernemental. C'est là que se prend la décision éthique et stratégique consolidée dans un agenda qui commence par le modèle économique et ses stratégies de terreur, de propagande et de guerre. Reconnaître et dépasser enfin le fait que nous, les peuples de Colombie, nous n'avons pas, nous n'avons pas pu construire d'agenda propre et que par conséquent nous allons négocier pour obtenir quelques miettes de notre oppresseur. En parallèle, du fait que les paramilitaires comme la guérilla tuent les gens, en 2001 se rétablit la garde indigène pour exercer le contrôle communautaire sur le territoire avec des hommes, des femmes et des enfants. Avec ces deux choses combinées nous avons pris la décision -la première en 2001 mais la plus grande en 2004 – de créer cet agenda et de convoquer le Premier Congrès Indigène et Populaire. La « Minga » part de Popayan et arrivera à Cali, des montagnes jusqu'à la route panaméricaine . Ce fut l'année du pic de popularité d'Uribe, qui a été surpris de s'entendre dire qu'ici il n'est pas populaire et que nous ne voulons pas de son modèle de libre commerce.

Par Collectif Colombiens au Sud.

dimanche 14 octobre 2012

Lire et comprendre la Terre Mère est notre principe de communication


10 octobre 2012

« Lire les signes du corps, comprendre le chant des oiseaux et le bruit de la rivière, fait partie de notre communication ancestrale, spirituelle, indigène », il s'agit d'une des nombreuses réflexions menées au sein du groupe de travail Communication et Systèmes d'Information, dans le cadre du Congrès de l'Organisation Nationale Indigène du Cauca (ONIC). 

L'objectif pour lequel se sont réunis les indigènes et non-indigènes, « communicateurs communautaires », journalistes, « communicateurs sociaux », autorités traditionnelles, femmes, anciens, jeunes et le reste de la communauté participant au Groupe 9 de Communications et Systèmes d'information, a été d'échanger sur les réussites et les difficultés du Conseil de Communication (ONIC); réfléchir sur la communication indigène ; échanger sur les contextes politiques liés à la communication des peuples indigènes, et proposer quelques idées de travail qui seront fondamentales pour les mandats que devra assumer le prochain Conseil de Communication, représentant les différentes régions.

Hilber Humegé, actuel Conseiller de Communication de l'ONIC a informé sur le travail de visibilisation et de dénonciation continue qu'ils réalisent à travers le site web, la radio, des supports papiers et des vidéos. Il a également présenté le processus de communication de l'ONIC, de l'Association de Cabildos Indigènes du Nord du Cauca (ACIN) et l'Organisation Indigène d'Antioquia (OIA), qui a porté ses fruits avec la seconde édition du Festival de Cinéma et Vidéo Indigène, et la Rencontre de Femmes Réalisatrices, deux occasions de partager les expériences de communication du continent. 


Les participants ont reconnu l'effort de visibilisation, de gestion et de dénonciation réalisé par l'ONIC, tout en suggérant plus d'accompagnement des processus de communication communautaire des peuples, afin d'arriver à articuler et à travailler en réseau, ce qui manque cruellement aujourd'hui face aux agressions perpétuées à l'encontre des peuples indigènes. « Nous avons besoin d'échanger nos expériences de manière constante, créer des espaces de formation ; construire une toile de travail commune ; donner de la viabilité à nos médias », ont exprimé quelques participants.

Par ailleurs, le travail au sein de ce groupe de Communications et Systèmes d'Information, s'est concentré sur l'analyse du sens que l'on donne à la communication et du rôle que jouent les médias communautaires dans les processus de résistance indigène. « Avant d'avoir des téléphones, des ordinateurs, des caméras, des micros, on communiquait déjà. Écouter le chant d'un oiseau qui nous annonce la mort ; sentir un signal dans le corps qui nous avertit du danger ; parler autour du feu et écouter nos anciens ; chanter et rêver notre histoire et notre mémoire. C'est COMMUNIQUER » . Il est alors apparu évident et nécessaire d'aborder avec plus de profondeur la communication « propre », car la majorité des processus de communication se sont concentrés sur l'utilisation de moyens de communication externes, laissant de côté les formes et les espaces spécifiques d'une communication culturelle, spirituelle.

« Nous devons reconnaître, comprendre et valoriser notre communication indigène, ce que nous sommes avec la Terre Mère, tout en s'appropriant et transformant les moyens de communication externes en outils de soutien aux résistances et aux Plans de Vie ». Communiquer n'est pas seulement parler au micro, utiliser une caméra ou écrire sur un ordinateur. Pour les indigènes, communiquer c'est harmoniser tout ce qui est dans son entourage afin de défendre la vie et le territoire.

« Dans le Cauca c'est le conflit armé, à la Guajira c'est l'exploration, à pleins d'endroits, de l'industrie minière...L'agression que nous sommes en train de vivre en tant que peuples indigènes obéit à un système économique transnational qui ne cherche qu'à accumuler des richesses et à convertir notre Terre Mère en marchandise. C'est pour cela que nous devons identifier ces stratégies d'extermination et comprendre qu'elles font partie d'un même modèle. C'est de cette manière que nous pourrons y résister. » En ce sens, la communication doit s'aborder en fonction des contextes que vivent les peuples, afin qu'ils en définissent eux-mêmes la fonction. Par conséquent, si nous communiquons juste pour utiliser les médias, nous répondons au modèle qui nous coopte, mais si nous communiquons à travers nos propres formes et moyens appropriés, afin de faire prendre conscience de cette agression et arriver à ce que les communautés soient informées et mobilisées, nous communiquons pour défendre la vie sous toutes ses formes. 

Sur la base de ces réflexions et conversations, se sont détachées des grandes lignes à prendre en compte dans le Plan Stratégique que doit construire et assumer collectivement le prochain Conseil de Communication de l'ONIC, à partir de l'importance que mérite la communication indigène et l'usage stratégique dont doivent faire l'objet les médias utilisés :
  • renforcer et soutenir tous les espaces de formation et de diplomation en communication existants dans les macro-régions.
  • Promouvoir le travail articulé entre tous les processus et expériences de communication indigène.
  • Récupérer les productions de communication afin de les distribuer dans toutes les organisations indigènes.
  • Réaliser des rencontres permanentes de communicateurs et communicatrices afin d'évaluer et projeter les propositions de communication qui s'acheminent dans les territoires.
  • Travailler les stratégies de durabilité de gestion des moyens de communication.

Finalement, il est proposé de créer un Observatoire de Communication pour faire un suivi des processus de la base, mais aussi afin de soutenir et d'accompagner le Conseil de Communication de l'ONIC. De la même manière, il a été proposé d'approfondir et de continuer à travailler la communication pour la défense de la vie à l'intérieur des communautés, afin de construire une Politique Publique de Communication Indigène, que réponde en premier lieu aux nécessités réelles liées au contexte actuel des peuples indigènes, et dans un second temps aux requêtes du gouvernement.

Tissu de communication – ACIN

jeudi 20 septembre 2012

Projections itinérantes dans le Cauca, Second Festival de Cinéma et Vidéo Rodolfo Maya

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Rodolfo Maya fut et restera le leader indigène du Resguardo de Lopez Adentro Corinto, assassiné par des groupes armés ne partageant pas les idéaux des peuples indigènes. Rodolfo a été assassiné car il a toujours maintenu une position claire concernant la défense du territoire et de la vie. En son honneur, les membres de l’École de Communication et du Tissu de Communication pour la Vérité et la Vie de l'Association de Cabildos Indigènes du Nord du Cauca-Colombie, ont réalisé le premier Festival de Ciné et Vidéo Rodolfo Maya en 2011.


Cette initiative a aussi permit de rendre visible les différentes expériences de lutte des peuples indigènes d'Amérique Latine qui, par l'image en mouvement, ont généré une conscience politique au sein des communautés indigènes qui vivent les problématiques de la militarisation et de la spoliation de manière similaire.

Cette année, le festival cherche à générer des espaces d'analyse et de réflexion chez les différents peuples afro-descendants, paysans et indigènes de Colombie. Ainsi, de nouveau, le Tissu de Communication, ainsi que le réseau AMCIC, CLACPI et les étudiants diplômés de l'Ecole de Communication, se donnent rendez-vous à différents endroits du Cauca afin de projeter sur les écrans communautaires les images de résistance, lors du « Second Festival de Cinéma et Vidéo Rodolfo Maya », dans le cadre du Festival International de Ciné et Vidéo des peuples indigènes.

Ces projections itinérantes se réaliseront durant le mois de septembre 2012 sur les territoires de Jambalo, Canoas, Corinto, Miranda, caloto, Toribio, Toez, Caldono, Totoro, Silvia, Morales et Tierradentro. Elles seront aussi réalisées dans la commune de El Placer dans la Vallée du Cauca, à Medellin et à Manizales. Par le biais de ces projections, nous cherchons à stimuler et accompagner de manière directe les communautés qui vivent de plein fouet les problématiques sociales du pays.

Les derniers faits de violence dans le Nord du Cauca ont encore confirmé que la Colombie vit une situation de conflit armé depuis des années. Cette guerre se propage et devient une stratégie d'ouverture du territoire à l'exploitation minière et des hydrocarbures ainsi qu'à la privatisation de l'eau et des ressources naturelles, ce qui perpétue le processus d'extermination des peuples indigènes du pays.

La stratégie des médias de communication alternatifs dans le Cauca a été de générer une conscience collective face aux réalités qui sont présentes dans tous les peuples et communautés. Pour cette raison, cette édition du Festival Rodolfo Maya sera un événement public où peut participer toute la communauté en général afin d'analyser et réfléchir à ces problématiques. Chaque activité permettra également de se rencontrer entre peuples, partager notre musique, nos spécialités culinaires et nos savoirs, car il s'agit d'un moment propice pour se connaître et tisser des propositions qui sans doute apporteront un grain de sable à l'édifice de la transformation de nos réalités. 


Ainsi, des visiteurs internationaux participeront à certaines projections et viendront donc au Cauca afin de connaître les problématiques du conflit armé qui affectent directement ces peuples qui demandent une justice sociale depuis plus d'un demi-siècle.

Enfin, le Tissu de communication invite les médias alternatifs du Cauca à appeler leurs communautés à participer aux présentations des œuvres audiovisuelles qui contribuent à l'analyse critique des problématiques qui frappent tous les peuples du continent. 

Programmation : http://festivalrodolfomaya.blogspot.fr/

Tissu de Communication de l'Association de Cabildos Indigènes du Nord du Cauca – ACIN. Colombie. 
Traduction : solidaritépeuplenasa

mercredi 22 août 2012

Ils demandent pardon aux victimes mais continuent de tuer

« Ils sont descendus de la moto et se sont réfugiés sur le bord de la route, et c'est là qu'ils ont tiré sur l'enfant ». Efrain Silva Julicue, a été assassiné, touché par un fragment d'une grenade lancée par l'armée colombienne, dans l'après-midi du mardi 21 août 2012, à El Venadillo, en limite du Resguardo de Huellas-Caloto.
Efrain Silva Julicue étudiait au Centre Educatif El Pedregal – Guasano, il avait 15 ans et avait deux sœurs et deux frères qui vivaient à El Credo, un hameau du Resguardo de Huellas-Caloto. La famille Silva Julicue, se retrouve avec 4 enfants, vivant des cultures du café, de la banane et de la yuca, et, en été, quand il n'y a plus rien, ils se voient obligés de travailler comme journaliers, avant de retourner, en hiver, à la finca.

Efrain est sorti accompagné de son père, pour aller à El Palo – Caloto, en moto, où ils allaient photocopier des documents dont Efrain avait besoin pour l'école. « On allait à El Palo, mais on a du lâcher la moto sur le bas-côté et se jeter au sol, j'ai eu le temps de me cacher dans une tranchée, ils ont jeté une grenade juste à côté et à mon fils, un fragment lui est atterri sur le torse. Mon fils était blessé et comme l'armée était en train de monter, et qu'ils pouvaient me le prendre, je l'ai emmené avec moi et ici il a finit par mourir » exprime avec résignation Antonio Silva.

Il y a un an, le 16 septembre 2010, fut assassinée Maryi Vanesa Coicue, touchée par des fragments d'une bombe lancée par les milices des FARC. Ce jour là, la communauté du Nord du Cauca a exigé qu'ils arrêtent de s'en prendre aux enfants, dans ce conflit qu'ils ont implanté sur notre territoire. Mais Maryi n'a pas été la seule, au contraire, de plus en plus d'enfants sont tombés durant cette guerre, jusqu'à quand ?! Nous souhaitons que nos enfants, nos anciens, nos jeunes et nos femmes ne soient pas mêlés à cette guerre.

La vie d'Efrain s'est éteinte par un fragment de grenade lancée par l'armée colombienne, Don Antonio, son père, s'est sauvé par miracle, « l'armée a commencé à mitrailler et à lancer des grenades parce qu'ils ont vu qu'on se jetait dans le fossé... la grenade fut lancée du côté de l'armée car ils étaient à côté d'une maison et c'est de là qu'est parti le tir, et la guérilla était de l'autre côté... quand mon fils est tombé, il était à quatre pattes, j'y suis allé et je l'ai arraché des rafales de balles, j'ai du le transporter, en passant par le bord de la route, et personne ne m'a aidé, je l'ai monté sur la moto et je l'ai emmené plus loin, au hameau El pajarito du Resguardo de Huellas-Caloto, je croyais qu'il allait revivre » raconte avec douleur Antonio Silva.

Avec toutes ces morts, il est clair qu'en Colombie, la guerre est une excuse pour continuer d'imposer le « Modèle colombien » - Plan Colombie. Une combinaison spécifique de terreur, propagande et de politiques (traités au service du libre commerce). La raison d'être de l'Etat Colombien est d'impulser cette « libération » des territoires, richesses, marchés, revenus et travaux pour le bénéfice des transnationales. 

Ce « Modèle Colombien » est maintenant la formule d'usurpation qui est appliquée aux autres pays qui sont dans la ligne de mir des explorateurs. Ce modèle s'est étendu à des pays comme le Mexique, le Paraguay, le Pérou, le Honduras, le Guatemala, la Bolivie, l’Équateur, le Brésil, le Chili et l'Argentine. Toujours imposé dans la terreur.

La résistance indigène du Cauca continue mais nous ne pouvons pas tomber dans le piège des discours et des fausses promesses du gouvernement colombien, car les politiques du capital sont imposées année après année et à chaque fois se renforce le monstre de la spoliation des multinationales qui veulent s'approprier nos territoires, nos Plans de Vie, de nos rêves et de la vie toute entière.

Nous devons continuer la lutte contre ce modèle économique et contre tout ce qui porte atteinte à la vie. Lorsque nous demandons à Don Antonio, le père d'Efrain, un message pour ceux qui nous lisent et nous écoutent, au milieu de cette guerre, sa réponse est un silence d'impuissance, un silence de douleur et un silence de larmes. Accompagnons la famille Silva Julicue et toutes les familles victimes du conflit armé que vit le Cauca et la Colombie.

Tissu de Communication de l'Association de Cabildos Indigènes du Nord du Cauca

jeudi 9 août 2012

Photo-reportage : Toribio Cauca, actions de contrôle territorial face a la guérilla 11 juillet 2012

Le 11 juillet dernier, à Toribio, Cauca, suite aux plusieurs jours de combats entre l'armée nationale et la guérilla des FARC, les communautés indigènes, fatiguées de cette guerre et de tous ces civils tués lors des échanges de tirs dans le village, ont décidé de se réunir pour agir et expulser les acteurs armés du territoire. L'armée nationale tout comme la guérilla ne peuvent légitimer leur présence sur le territoire indigène, les communautés indigènes veulent leur autonomie par le biais de leur gouvernement autonome et du contrôle territorial réalisé par la Garde Indigène. Ainsi, différents commissions organisèrent des activités de contrôle territorial, dans le but d'obtenir le retrait des deux groupes armés du territoire Nasa.


A Toribio, la communauté s'est réunie pour s'organiser contre le conflit armé.



 
Tandis que le président Santos descendait de son hélicoptère pour se rendre au conseil de ministres, que les avions et les hélicoptères survolaient la commune de Toribio, que les militaires et la police s'installaient dans chaque maison, la communauté indigène Nasa, mobilisée suite aux affrontements subis depuis plusieurs jours – et depuis des années- se réunissait afin de sigmifier au président et ses troupes qu'ils n'étaient pas les bienvenus sur leur territoire ancestrale. 

 
 
Avec l'arrivée du président Santos, le nombre de soldats et l'intensité de la guerre ont augmenté.



Tournant le dos aux pirouettes stratégiques de Santos, la communauté et les autorités indigènes se sont réunies en Assemblée Permanente et ont décidé de continuer les actions de contrôle du territoire. Que le président reste à discuter avec ses ministres, qu'il continue de déblatérer ses mensonges. Car la communauté continuera de se défendre toute seule, car elle n'a pas besoin qu'on la défende. 


Le président n'a même pas daigné recevoir le peuple Nasa pour écouter sa voix, ses décisions et ses revendications. Il a accepté de recevoir quelques représentants, mais les indigènes ne s'y trompent pas : les Nasa savent depuis longtemps que les négociations avec quelques représentants ne servent qu'à légitimer les actions du gouvernement sans prendre en compte la communauté. « Ici il y a des morts et personne ne fait rien » crient des femmes, « tout ce que nous avons reçu c'est des balles ! »


  Trois commissions se sont formées pour balayer le territoire, dans le but d'expulser les acteurs armés légaux et illégaux de la zone. Pendant qu'une commission grimpait jusqu'à la tour de téléphonie mobile (colline Berlin), une autre descendait en direction de Tierrero, où la guérilla maintenait un barrage de contrôle, à deux kilomètres à peine de Toribio.





 
Barrage de la guérilla sur la route de Toribio.






  
Une chiva (bus) et plusieurs camionnettes remplies de villageois et villageoises, ainsi que des véhicules de presse, sont descendus jusqu'à la rivière dont les berges étaient minées. La Garde Indigène y ramassa plusieurs obus artisanaux que la guérilla avait laissé. Les munitions de la guérilla sont jetées dans de nombreux champs, et si la Garde Indigène ne les détruit pas, ce sont les enfants qui, en jouant au ballon, marchent dessus, perdent la vie et leurs rêves.













 Après avoir nettoyé les rives de la rivière, la commission descendit jusqu'au barrage du 6eme Front des FARC, où quelques guérilleros surveillaient les voitures qui montaient jusqu'à Toribio.

Le gouverneur indigène, avec le soutien de la communauté, a fait part des décisions de l'assemblée au groupe armé. 


Ils exigèrent leur retrait et l'arrêt des tirs dans le village et ses alentours, qui affectent gravement la population civile. La guérilla a accepté de se retirer, sans toutefois prendre en compte la position de la communauté concernant le conflit armé. 

Tejido de Comunicación - ACIN
tejidocomunicacion@gmail.com
 Traduction : solidaritepeuplenasa


mercredi 8 août 2012

La vraie paix des peuples c'est la liberté de leurs territoires

1er Août 2012
Quand nous, les indigènes, nous déclarons à tout le pays que nous ne voulons plus de groupes armés sur nos territoires, nous savons que ceci ne sera pas la fin de la guerre sur notre territoire. Pour nous il est clair que ceci est seulement un pas vers le retour à notre Terre Mère. Pour les Nasa comme pour les autres communautés indigènes, afros et paysannes, également touchées, il est très clair cette guerre est le produit des multinationales avec l'aide du gouvernement. Pour vivre en paix, les multinationales doivent s'en aller !

Le président et ses délégués doivent comprendre qu'ils ne peuvent pas prétendre une négociation de la guerre des balles et du sang par la guerre froide de la soumission et de l'exploitation de la Terre Mère par les entreprises multinationales. Car les abus que subit notre peuple ne datent pas d'aujourd'hui, ça fait 10 ans que nous affrontons l'intensification du conflit. Avec toute la douleur et le sang que ça nous a coûté, nous voulons que cela soit bien clair: qu'ils ne peuvent sous-estimer ce processus, car il s'agit d'un processus et pas d'un mouvement conjoncturel, que nous ,les indigènes du Nord du Cauca, nous ne voulons pas la paix dont parle Santos et Timochenco, nous ne voulons pas la paix de ceux qui utilisent notre lutte et nos efforts pour nous réduire au silence et nous donner des ordres. La paix que nous voulons est celle de l'harmonie de la Terre Mère , harmonie qui signifie la sortie de tout ce qui porte atteinte à la vie, la sortie définitive des transnationales qui produisent la guerre afin de piller notre territoire et commercialiser ses richesses.

Nous déclarons au pays tout entier que nous ne voulons plus de guerre chez nous. La réponse du gouvernement représenté par le ministre de l'intérieur, est de ne pas tenir parole en ne venant pas à la réunion avec les autorités indigènes à Popayan, avec l'excuse de participer à une autre réunion à Bucaramanga. La réponse de la guérilla par la lettre de Timochengo est aussi irrespectueuse; avec un certain cynisme, il dit que la lutte de la guérilla est la même qu'assume le mouvement, et esquive les exigences des autorités indigènes face aux attaques continues à la population civile et au recrutement des enfants et des jeunes, tout en disant « si l'armée s'en va, nous nous en allons aussi ». Le jeu de la violence continue, leurs réponses prétendent nous placer où, supposément et irrémédiablement, il y a juste deux chemins, par lesquels ce seraient eux qui décideraient pour nous. Et comme si ça ne suffisait pas, maintenant les paramilitaires réapparaissent, menaçant nos autorités et nos territoires, d'une manière peu différente à celle de l'armée et de la guérilla, comme s'ils avaient un accord, car tous sont gênés par une communauté organisée et en résistance.

Car les communautés indigènes ne reçoivent pas les ordres qui ne sont pas de leur propre communauté, celles-ci gouvernent en obéissant (comme le disent si bien les zapatistes), l'orientation pratique de la communauté étant définie par la communauté elle-même. La communauté exige la sortie de toutes les transnationales, car ce sont elles qui profitent des dommages faits à la Terre Mère.

Les peuples originaires, tous, veulent en finir avec la guerre sur leurs territoires. La lutte des Nasa pour expulser les acteurs armés est la même lutte que celle des Awa dans le Nariño, qui dans l'exercice de la loi d'origine et de la juridiction spéciale indigène ont expulsé l'entreprise minière « La Esperanza » située illégalement dans le Resguardo La Turbia, communauté de Peña Caraño. La communauté Awa a déjà reçu des menaces du fait de ces actions mais affirment qu'elles continueront d'expulser toutes les entreprises minières qui envahissent et spolient les territoires.

C'est la même lutte que celle des indigènes, afros et paysans du Putumayo, qui ont décidé de se mobiliser pacifiquement et freiner les violations que leur a imposé le gouvernement national, sans consultation aucune des communautés, avec les projets de développement d'infrastructures et d'extraction de ressources, dû à l’essor de l'expédition de licences pour l'exploitation minière, d'hydrocarbures et de ressources naturelles qui rend vulnérable leur territoire et leur culture.

C'est la même lutte que mènent d'autres peuples du continent. Les frères Mapuches se sont mobilisés pour refuser les politiques racistes, violentes et discriminatoires de l'état - élaborées lors de son « Sommet de la sécurité » - et afin de définir les mesures qui leur permettent de faire front à la forte attaque qui a affecté gravement leur communauté ces derniers jours. Ils ont dû supporter la brutalité de la police qui a gravement blessé des enfants et des personnes âgées, a fait de fausses accusations, ainsi que l'intensification de la militarisation des zones où ils mènent les récupérations pacifiques des terres collectives.

C'est la même lutte que nos frères péruviens qui se sont soulevés contre le projet Conga de l'entreprise Yanacocha (consort formé par l'entreprise américaine Newmont, qui détient 15% des actions, la péruvienne Buenaventura, qui détient 43%, et la Corporation Financière Internationale, une institution qui appartient à la Banque Mondiale et possède 5%), qui malgré l'agression brutale du gouvernement aux mains de l'armée contre le peuple de Celedin, les entreprises et le gouvernement n'ont rien pu faire contre Cajamarca car aujourd'hui les communautés de tout le Pérou se mobilisent à Cajamarca pour la défense de l'eau.

De la même manière, les frères zapatistes du Chiapas affrontent un grave risque d'agression et de déplacement de presque 200 personnes soutenant l'EZLN, dans la communauté indigène de San Marcos Aviles, étant donné que depuis les élections mexicaines en juillet les menaces à l'encontre de cette communauté ont augmenté. Mais leur mobilisation continue. Après plusieurs jours de caravane, ils sont arrivés à la capitale du pays pour enchaîner avec une marche « dans le but d'exiger le respect de leurs droits à la terre comme peuples originaires et que ne leur soient pas spoliés les 130 hectares par la commune et le gouvernement de l'Etat. »

La lutte des Nasa n'est pas un projet séparatiste, c'est une lutte pour le droit à l'exercice autonome de contrôle territorial et n'est pas un soulèvement récent mais un processus ancestral. La défense de la vie et de l'harmonie de la mère terre n'est pas seulement une lutte pour le peuple Nasa, ou pour les peuples indigènes qui la défendent mais pour tous et toutes. Cette lutte n'est pas seulement pour expulser les entreprises minières avalisées par le gouvernement et celles qui envoient leurs armées pour réprimer les peuples qui sont un frein à leur commerce macro-économique. Nous sommes fatigués qu'ils viennent tous nous parler de la paix, quelle paix ? Il y a beaucoup de paix selon chacun des intérêts. La seule paix que nous voulons c'est celle de nos territoires libres d'entreprises d'exploitation et de concessions minières. Dehors les multinationales, allez-vous en de notre Terre Mère !
Tissu de Communication des Cabildos Indigènes du Nord du Cauca – ACIN - Colombie
Traduction au français : solidaritépeuplenasa

mardi 7 août 2012

Exercer la parole et l'action, ceci est notre chemin vers la Défense de la Terre Mère

19 juillet 2012

La violence des acteurs armés et de la propagande médiatique s'intensifie à l'encontre de notre peuple et contre l'action autonome de notre Garde indigène. Hier l'armé a assassiné de sang froid le villageois Fabian Cuetia à Caldono et notre site web a été bloqué pour éviter que le pays prenne connaissance de la vérité.

De nouveau la voix officielle du régime fait écho aux infamies de la force publique. Ce matin la une de El Espectador disait : « L'armée dit que les indigènes ont commis de nombreux délits dans le Cauca », texte qui ne dit rien de plus que ce que l'on veut laisser croire. « Selon le colonel Piraquive, situé dans le hameau de El Rosario, Siberia, partie de la commune de Caldono, une sentinelle a interpellé Fabian Cuetia, pour éviter une attaque de la colonne mobile Jacobo Arenas, mais apparemment cette personne n'a pas compris et ils ont ouvert le feu causant la mort du paysan. » Ce fait, qui est le véritable crime, passe inaperçu, tandis que la réaction autonome de la communauté exigeant justice contre les assassins, est convertie par l'armée et les médias de masse en séquestration, agression, et terrorisme.

Ils ont procédé de la même façon concernant les actions de retrait pacifique de la force publique, sur la colline El Berlin-Toribio. Les médias de masse ont fait la promotion de la haine et du racisme à l'encontre de notre Garde Indigène en disant que nous sommes des sauvages et des terroristes. L'image du sergent qui pleure, humilié, a ému ceux qui ignorent la réalité, refusant l'autonomie du peuple Nasa. Comment est-ce possible qu'on s'indigne quand nous bousculons et expulsons l'armée de notre territoire et qu'on ne proteste pas quand ceux-ci assassinent, massacrent, violent et inondent de violence notre pays pour défendre le régime ? Nous, ça fait des siècles que nous pleurons notre douleur et humiliation produite par la cupidité qui se répand sur nos territoires.

A travers les médias de masse ils nous accusent de guérilleros et ils couvrent amplement l'expulsion de la force publique, mais ils diffusent très peu nos actions pour forcer le retrait de la guérilla. S'il vous plaît cherchez l'information, car il y en a suffisamment, car nous avons été cohérents avec nos discours et nous somme en train d'expulser tous les acteurs armés de notre Maison (territoire). Nous sommes en lutte et nous continuerons de démonter les barrages de la guérilla, comme nous l'avons fait la semaine dernière à El Tierrero.

S'il vous plaît, Frères et Sœurs cooptés par la propagande médiatique, ne vous rangez pas du côté des extraits criminels des médias de masse. Visitez notre site web www.nasaacin.org et les autres médias alternatifs pour connaître la réalité. Hier l'ont fait des milliers de personnes, qui sont venues lire, sentir et écouter notre parole. Voir en face la réalité, voir que ce que n'ont pas montré les médias de masse car ils sont au service de la guerre et leurs intérêts est de désinformer. C'est pour cela qu'ils sont allés jusqu'à bloquer et hacker notre page internet , pour que personne ne puisse se prononcer en faveur de la vérité.

Nos actions continuent de montrer au monde que les communautés font leur possible pour sortir l'armée de notre territoire, ainsi que la guérilla des FARC. Hier, à Toribio, par exemple, nous avons détenu plusieurs guérilleros qui tentaient de lancer une bombe. Maintenant ils sont sous la responsabilité des autorités indigènes qui ont une compétence constitutionnelle pour cela. Le gouverneur Marcos Yule a assuré que les guérilleros capturés seront soumis à la justice indigène et que pour l'instant ils vont rester à leur charge. A la question « pourquoi ne pas rendre les quatre hommes aux autorités », le gouverneur Yule a affirmé : « pourquoi s'ils ne sont même pas capables de les capturer ? ». Cette nouvelle action autonome contre la guerre est une preuve de plus de la ferme décision de démilitariser notre territoire de tous les acteurs armés, d'où qu'ils viennent.

Les seigneurs de la guerre ont besoins d'armes pour sentir qu'ils sont des hommes et se faire respecter par la force. Ils font également tout leur possible pour passer sous silence la voix de la vérité et faire disparaître les arguments. Notre garde indigène a gagné en légitimité et respect car elle est empreinte de conscience politique de transformation sociale pour la défense du territoire de manière autonome. Nous n'avons pas besoin de faire taire qui que se soit, seulement de diffuser notre parole de résistance civile pour la défense de la Terre Mère.

Face à notre sollicitude de démilitarisation afin de freiner le conflit armé dans le Cauca, la réponse continue d'être l'intensification de la guerre. Aujourd'hui, l'ordre du gouvernement est de créer « le Commando d'ensemble du Sud-ouest formé de 5 milles hommes de l'Armée, de la Force aérienne et Armée. ». Selon eux ce commando est une mesure de contrôle de la crise de l'ordre publique dans le Cauca, mais la réalité que nous prévoyons est une attaque et l'intensification de la guerre contre notre peuple. D'autre part, la guérilla des FARC augmente aussi ses troupes sur notre territoire. Depuis plus d'une semaine ont commencé à arriver de plus en plus de guérilleros, même dans les zones où ils n'avaient jamais été. Selon la communauté, qui les a vu dans les montagnes, ils n'utilisent même pas les brassards et les bottes de caoutchouc qui les distinguent comme guérilleros. Ils commencent à intensifier les barrages dans la zone en essayant de contrôler les entrées et sorties des voitures à Toribio.

« Je ne veux pas voir un seul indigène dans les bases militaires. C'est l'ordre depuis hier soir » a exprimé Santos depuis son compte de twitter. Nous, nous lui disons que nous ne voulons plus voir une seule multinationale sur notre territoire ni aucun acteur armé. La guérilla et les miliciens des FARC disent qu'ils défendent le peuple. Et avec leurs actions violentes ils ne servent pas de prétexte au régime pour massacrer le peuple ? D'eux aussi nous exigeons qu'ils respectent notre autonomie et nous laisse exercer le contrôle territorial dans notre Maison. Qu'ils ne recrutent plus nos enfants et nos jeunes pour la guerre. Qu'ils arrêtent de nous tromper et de profiter des innocents. Les policiers et les soldats se justifient en disant qu'ils sont des héros et qu'ils défendent la patrie. Parce ce qu'ils savent peut-être qui est la patrie et de qui ils défendent les intérêts avec leurs vies ?

Le compagnon indigène Hugo Blanco, militant historique du Pérou, a écrit une lettre aux soldats qui ont été envoyés à Cajamarca pour réprimer le peuple qui lutte contre une multinationale minière à Celendin, où il explique ce qu'est la patrie. Nous assumons le sens de ce message du Pérou et nous nous l'approprions comme notre propre parole et nous disons aux groupes armés :

Frère policier, frère soldat, frère guérillero :

La Patrie « ce sont les vertes vallées de Cajamarca, les montagnes de Colombie, les nevadas du Wallmapu.. Notre Mama Kiwe (Terre Mère), ce sont les paysans, les indigènes, les noirs, les métisses nés sur nos terres fertiles et qui travaillent sur elle, ce sont les vertes plantes sauvages et cultivées, ce sont les animaux sauvages et domestiques qui vivent de la nutritive végétation. La Patrie ce sont aussi les enfants qui nécessitent boire une eau propre, non polluée.
La patrie ce sont les magnifiques lacs qui dorment sur les cimes de nos montagnes. La Patrie ce sont les plans d'eau et les marais qui alimentent par voies souterraines les jolis ruisseaux qui jaillissent à différentes altitudes offrant leur eaux aux enfants, aux femmes et aux hommes des riches vallées. La Patrie ce sont les rivières limpides qui se nourrissent de l'eau propre offerte, par voie souterraine, par les plans d'eau et les marais déjà mentionnés, sur les sommets. La Patrie ce sont les poissons qui vivent dans ces rivières. »

Nous vous invitons à vous défaire de la violence et à marcher avec le peuple colombien pour défendre notre patrie du modèle économique d'agression globale qui utilise la guerre pour nous exproprier et nous utilise à nous tous pour que nous nous autodétruisons.

Nous appelons à résister en tant que civils et à lutter pour une patrie qui est en train d'être détruite par l'ambition et la cupidité de quelques uns qui ne savent qu'accumuler du capital. Nous vous invitons à vous unir à la résistance de notre peuple Nasa qui lutte et se soulève dignement.

Nous convoquons tous les colombiens, les étudiants, les professeurs, les syndicalistes, les organisations sociales et les processus populaires du pays et du monde, à raviver leurs luttes avec la nôtre, en parole et en action. Souvenez-vous que les actions de notre communautés ne sont pas que pour nous, la lutte pour une vie digne et le respect de la Terre Mère profite à toute la Colombie. Nous convoquons vos voix, vos pas, votre créativité infinie, afin de, non seulement diffuser et partager nos initiatives, mais aussi réaliser des actions dans les universités, dans les rues des villes et des villages de tout le pays, pour déployer toute votre capacité et votre volonté pour répercuter cette lutte qui n'est pas seulement pour le Cauca mais pour toutes et tous.
Tissu de communication de l'Association de Cabildos Indigènes du Nord du Cauca - ACIN
tejidocomunicacion@gmail.com
Traduction : solidaritépeuplenasa

Les médias de communication officiels font écho aux mensonges des militaires

18 juillet 2012

Ce mardi 17 juillet 2012, très tôt dans la matinée des chivas transportant des centaines d'indigènes jusqu'à la commune de Toribio inondèrent les routes du Nord du Cauca. Tous et toutes s'élevant par la force de leurs « bâtons de commandement » représentant leur Autonomie.

Tandis que les médias de masse publiaient la réponse du Ministre Juan Carlos Pinzon à la demande de retrait des troupes du Cauca faite par les indigènes - « Il faut dire aux indigènes que nous les respectons, que le dialogue est la volonté du Gouvernement, mais d'aucunes manières la Force Publique s'en ira de cette zone » - plus de deux milles indigènes avançaient jusqu'à une des collines qui dominent les montagnes de la cordillère centrale du Nord-Ouest du Cauca, afin de se joindre aux 400 indigènes qui campaient et protégeaient la colline El Berlin depuis le 11 juillet dernier (jour de la visite du président Juan Manuel Santos à Toribio). C'est sur cette montagne que se trouve une des bases militaires qui protègent les deux antennes des compagnies de téléphonie.

Sur place, le gouverneur indigène de Toribio montra aux militaires la lettre dirigée aux différents acteurs armés, exprimant les paroles suivantes : « Nous n'allons pas rester les bras croisés à regarder comment ils nous assassinent et détruisent nos territoires, nos communautés, nos plans de vie et notre processus d'organisation, et c'est pour cela que, avec la parole, la raison, le respect et la dignité, nous avons commencé à marcher en groupes jusqu'aux endroits où se cachent les groupes armés, pour leur dire, en face, que dans le cadre de notre autonomie, que nous exigeons qu'ils s'en aillent, que nous ne les voulons pas, que nous sommes fatigués de la mort, qu'ils se trompent, qu'ils nous laissent vivre en paix. » Face à ce communiqué les militaires ont protesté en disant qu'ils étaient là pour protéger la population car, sans la force publique, elle serait en danger. Mais les gens ne croient plus ce discours étant donné qu'ils ont déjà subi de nombreux abus qui leur ont montré le contraire, ayant été la cible des attaques des deux camps. « Ils disent toujours la même chose », cria une vieille dame pendant que la foule commençait à ramasser les affaires des militaires. « Nous demandons aux esprits de nous protéger dans cette lutte que nous pensons juste » a exprimé une des autorités de l'Association de Cabildos Indigènes du Nord du Cauca – ACIN, depuis la colline El Berlin, à Toribio – Cauca.

En voyant la décision des civiles, le commandant en charge de la protection des antennes, en signe de respect donna l'ordre d'évacuer le lieu. Cependant six militaires opposèrent résistance et se jetèrent au sol. C'est pour cette raison que la garde indigène les a portés pour les évacuer du lieu. Pendant ce temps, d'autres villageois ont commencé à charger les vivres et autres affaires des militaires, afin de faciliter leur retrait. « La garde indigène a accompagné les militaires jusqu'à un lieu déterminé » a affirmé un journaliste communautaire de Radio Nasa.

Toutefois, les forces militaires ont affirmé le contraire via les médias : le commandant de la Force de Travail Commune Apollo, Jorge Humberto Jerez, a exprimé sur Caracol Radio les paroles suivantes « ils ont brûlé nos vivres, ont maltraités nos soldats, la guérilla tire sur nos troupes à cet endroit même, il s'agit d'un travail en commun des FARC et des indigènes car on a bloqué leur couloir qui servent au narcotrafic, les laboratoires de cocaïne, nous avons des assesseurs juridiques qui enverront devant la justice ces indigènes, grâce au ministère public et autres secteurs de l’État... ».

Les affirmations du commandant Jerez sont irresponsables et extrêmement dangereuses pour notre communauté, ce sont les soldats eux-mêmes qui ont brûlé un matelas pour que la presse attribue cette soit-disant attaque aux indigènes. A l'inverse de ce que disaient tous les médias sur la destruction des vivres, ce fut la garde indigène elle-même qui a transporté les aliments jusqu'à la partie basse de la colline où se trouvait l'armée. Ceux qui ont tiré en l'air et ont lancé des gaz furent les militaires, en essayant de falsifier l'information et de faire croire que la guérilla tirait juste à côté.
Il n'y a que le commandant Jerez pour comparer les bousculades et les cris envers les soldats aux balles, aux morts, à l'occupation des maisons, aux dénonciations et assassinats de faux guérilleros (habitants tués et déguisés en guérilleros) à l'encontre des indigènes. Toutefois, on dirait qu'il n'y a pas que le commandant qui utilise la stratégie du mensonge et de la manipulation car, en un instant, tous les médias ont fait écho à ces affirmations malintentionnées. C'est de cette façon que le gouvernement pense justifier les attaques aux communautés indigènes et nier la légitimité de notre lutte pour la défense du territoire. « Qui permettrait qu'il fassent des tranchées devant la porte de sa maison ? La colline El Berlin est notre maison. »

La colline El Berlin est un lieu sacré pour les indigènes nasas. C'est une colline qui fait partie de la Yat Wala (la grande maison). C'est un lieu qui a un propriétaire spirituel. C'est pour cela qu'à chaque fois qu'on lui fait mal il se manifeste. Après chaque combat les nuages deviennent gris et commencent à pleurer. Les ancêtres (éclairs) se manifestent avec force. Leurs cris réclament la justice car ils ne supportent plus tant d'insultes à la vie. Ainsi, aujourd'hui, des milliers de femmes et d'hommes ont manifesté qu'ils sont fatigués d'être victimes des acteurs armés et du gouvernement qui ouvre la voie aux projets d'exploitation minière, qui vide de son sang la Mama Kiwe (Terre Mère).

Si. Ceci est la vérité face au problème de la guerre, ici il y a une résistance pacifique, il y a des terres fertiles pour l'agriculture et autres richesses naturelles.
La communauté de Toribio a appris malgré elle à vivre au milieu du conflit armé. Elle a supporté les attentats de la guérilla et les attaques de l'armée. Leurs enfants doivent transiter au milieu des barrages policiers et, dans les écoles, ils sont obligés de suivre les cours « gardés » par les tranchées de la guerre. Leurs maisons sont détruites et les familles pleurent leurs morts. C'est un village à moitié détruit, c'est une communauté qui souffre le malheur d'une guerre pour le pouvoir.

Pour toutes ces raisons, aujourd'hui, ce peuple millénaire crie au monde entier qu'il a soif de justice et qu'aucun des deux camps (armé et guérilla) ne protège son territoire. Il est nécessaire que vous sachiez qu'ici, dans le Nord du Cauca, à Toribio, il y a des gens prêts à défendre la vie, étant donné que le gouvernement et son armée ne l'ont jamais fait.
Tejido de comunicacion de la Asociacion de Cabildos Indigenas del Norte del Cauca – Colombie.
tejidocomunicacion@gmail.com
traduction : solidaritépeuplenasa

ACIN : à l'attention de l'opinion publique, de la guérilla et du gouvernement national


Nous nous déclarons en résistance permanente jusqu'à ce que les groupes armés et l'armée s'en aillent de chez nous. Nous sommes chez nous et nous n'allons pas nous en aller, ceux qui doivent s'en aller sont les groupes armés et armées légaux et illégaux qui sèment la mort dans nos territoires.

Plus de 400 prises de Toribio par la guérilla, en plus des morts, des blessés, des déplacés, des maisons détruites, des champs minés, des récoltes perdues, des étudiants sans école, de la douleur, la tristesse, des orphelins, des veuves, des menaces, des fausses accusations et de toutes sortes de violations qui œuvrent contre la vie, les normes, la dignité et la justice. Ce sont des raisons suffisantes pour dire ASSEZ DE LA GUERRE, ASSEZ DES GROUPES ARMES ET ARMEES QUELS QU'ILS SOIENT, ASSEZ DES VIOLATIONS, ASSEZ DE L'INVASION DE NOTRE TERRITOIRE.

LAISSEZ-NOUS TRANQUILLES, LAISSEZ NOUS EN PAIX SEIGNEURS DE LA GUERRE, c'est ce qu'exigent les communautés et les autorités indigènes du Peuple Nasa, dans le cadre de leur Mandat, des groupes armés et armées qui combattent au milieu de la population civile depuis plus d'une semaine sur la commune de Toribio – Cauca.

Nous n'allons pas rester les bras croisés à regarder comment ils nous assassinent et détruisent nos territoires, nos communautés, nos plans de vie et notre processus d'organisation, et c'est pour cela que, avec la parole, la raison, le respect et la dignité, nous avons commencé à marcher en groupes jusqu'aux endroits où se cachent les groupes armés, pour leur dire, en face, que dans le cadre de notre autonomie, que nous exigeons qu'ils s'en aillent, que nous ne les voulons pas, que nous sommes fatigués de la mort, qu'ils se trompent, qu'ils nous laissent vivre en paix.

Nous commençons aujourd'hui par Toribio, mais les gens se préparent à agir de manière pacifique dans tout territoire où sont présents les groupes armés et l'armée. L'idée est que les journées se déroulent de façon alternée dans toutes les communautés. Évaluons l'impact de la résistance à Toribio et agissons de nouveau si nécessaire jusqu'à ce que tout le territoire soit en harmonie.

Comme il s'agit d'une action risquée dû au contexte actuel, nous exhortons la force publique et la guérilla installée dans la région qu'ils arrêtent les opérations militaires afin d'éviter de faire courir des risques aux personnes qui parcourent les localités, les bases et campements militaires.

Étant donné que Toribio est un des resguardos qui est sous le coup de Mesures de Précaution déclarées par la Commission Interamericaine des Droits de l'Homme depuis le mois de septembre, l'ACIN et les autorités indigènes, tient pour responsable le gouvernement national et les commandements de la guérilla des Farcs de ce qui advient de la population, car il n'y a eu aucune mesure de protection adéquate et les mesures sollicitées par la CIDH n'ont pas été respectées.

CXHAB WALA KIWE - TERRITOIRE DEU GRAND PEUPLE
ASOCIACION DE CABILDOS DEL NORTE DEL CAUCA, ACIN-CXHAB WALA KIWE.
Santander de Quilichao Cauca, 8 juillet 2012.
Traduction : solidaritépeuplenasa

Maintenant c'est clair : ils veulent nous exterminer

10 juillet 2012

Les choses n'ont jamais été aussi claires dans le Nord du Cauca-colombie. Jamais. Nous avons manifesté, nous nous sommes mobilisés, avec toute notre force et notre conviction pour exiger que les acteurs armés s'en aillent du territoire. Lors de mobilisations, d'assemblées et d'audiences publiques, nous avons dénoncé les abus que commettent l'armée, la police, les paramilitaires et la guérilla sur tout le territoire. De plus, encore une fois, nous avons signalé et réitéré une vérité qui a orienté la Minga de Résistance sociale et communautaire et qui devient encore plus évidente aujourd'hui lorsqu'ils convertissent notre territoire, par le biais de la terreur et de la guerre, en une Zone de Consolidation, pour les intérêts d'exploitation des multinationales : cette guerre, d'où qu'elle vienne, a des motivations et bénéfices économiques. Ils nous exproprient pour nous forcer à partir, pour voler la Mama Kiwe (Terre Mère) et sa richesse, pour la soumettre et la tuer afin d'en finir avec notre processus et notre Histoire sur ce territoire.

La dernière fois que nous l'avons déclaré ce fut à Miranda. Nous avons exigé du gouvernement qu'il retire ses bases militaires de la région. Le Ministre de la Défense (des intérêts transnationaux) nous a répondu en nous accusant devant le monde entier d'être des guérilleros, des complices des terroristes et annonça qu'il ne retirerait pas les bases. De son côté, la guérilla a répondu au Ministre et à la communauté mondiale en attaquant Jambalo, Toribio, Miranda, Cerro Tijeras, tout en continueant ses actions dans tout le Nord du Cauca et dans tout le Cauca. En ce moment même, les habitants de ces communautés ont été déplacés de force, du fait de la menace proférée par les Farc : ils doivent s'en aller avant midi ou assument les conséquences. La réponse de fait de la guérilla au Ministre de la Défense est claire et simple : ne retirez pas les bases Monsieur le Ministre, il est justifié que vous les mainteniez. Il est nécessaire que votre armée reste en terres indigènes, qu'elle tue, maltraite, viole et vole car le prétexte nous le fournissons nous-même, la guérilla des Farc. Un prétexte fait de balles et de bombes. Un prétexte fait de mort. Vous attaquez les indigènes et les accusez d'être des guérilleros, nous vous répondons et attaquons également les communautés indigènes et si elles ne sont pas contentes, nous les accusons d'être des traîtres et « colabos », comme vous.

Ici tout est clair. Notre Cxab Wala Kiwe (Territoire du Grand Peuple), en vertu des plans économiques de spoliation et de destruction de la résistance et des peuples ancestraux, est devenu un véritable théâtre d'opérations militaires dirigées contre nous, par les bandes de combattants, afin de nous accuser, nous dénoncer, nous maltraiter, refuser notre présence et notre processus d'organisation, nous expulser et nous exproprier. En ce moment même se concrétise, selon les plans du Pentagone et du Plan Colombie, la transformation de ce qui a été notre foyer depuis des milliers d'années, en un espace contrôlé par des militaires s'emparant du pouvoir corporatif. L’État et la guérilla mettent fin à notre résistance et à notre processus millénaire, afin d'offrir ces terres aux intérêts économiques. Ils sont en train de nous tuer.

Mais il n'y a jamais eu seulement la guerre et la terreur, pas plus qu'aujourd'hui. En plus des mensonges et des tromperies des médias de masse et de la propagande que personne ne peut plus croire, il y a les politiques, les projets, la cooptation cachés derrière de nombreux masques et derrière les lois. Ils gouvernent, depuis le niveau local municipal, en passant par des programmes et des projets d'infrastructures, de santé, d'éducation, de développement économique, qui seront écrasées par les locomotives de l'expropriation. Sur notre propre territoire, alors qu'ils nous finissent à coup de balles et de terreur, ils implantent à l'intérieur et par le biais de nos organisations et communautés, à travers les plus diverses charges et fonctions, des projets d'expropriation sous couvert de bien-être et d'aide humanitaire. Ils profitent du fait que nous soyons occupés à demander des subventions et à organiser des activités, pour consolider leur plan d'expropriation. Cette forme d'institutionnalisation de notre processus fait partie du Plan de Consolidation du gouvernement et de la guerre pour la spoliation qui nous fait disparaître en nous transformant en cible des intérêts étrangers. Pendant que nous sommes occupés à refuser la guerre, cette stratégie, plus efficace et perverse, nous exproprie de manière invisible et sans résistance. Les institutions qui profitent ou servent ces intérêts, d'où qu'elles viennent, exercent le « Droit » de tout voler, et en trompent plus d'un ici, qui continuent de se battre pour des subventions accordées par ceux qui nous exproprient, tout en les présentant comme un bénéfice au nom de la résistance indigène, ou comme un soutien vital et urgent pour défendre les victimes. Ils nous rendent dépendants, victimes et incapables afin de nous empêcher de continuer à résister et à construire nos Plans de Vie. C'est la colonisation de toujours, à travers le modèle actuel.

Bien sûr cet abus ne se produit pas seulement dans le Nord du Cauca. Les Zones de Consolidation ont été définies depuis longtemps dans le Plan Colombie, et vient le moment de leur application. Il s'agit d'un calendrier à long terme afin de semer la mort et le mensonge et institutionnaliser la spoliation dans tout le pays, mais c'est aussi le principal produit d'exportation colombien dans le monde, puisqu'en ce moment ils agressent violemment les indigènes, par exemple dans le Wallmapu, à Santiago del Estero, Salta et Tucuman (Argentine) par des répliques grossières et évidentes de ce qui se fait ici. Pendant qu'au Mexique, où ils appliquent le Plan Colombie sous un autre nom, ils imposent la terreur et truquent les élections présidentielles (encore), en Bolivie le peuple s'élève contre le projet de route du TIPNIS (encore). A Cajamarca (Pérou), les policiers à la solde des transnationales minières ont assassiné 5 personnes faisant partie de « Conga no va ! », la coalition populaire pour refuser le projet minier de « Yanacocha » ; cette guerre intégrale les extermine de la même façon que nous. Au Paraguay, les transnationales avec le soutien du Commandement Sud (États-Unis) ont fomenté le coup d’État, afin d’accéder aux ressources en eau, aliments, minéraux et biens collectifs du Cône Sud. Dans ces pays et ces communautés, ils résistent. Les gens prennent la rue. La conscience croît et la solidarité est appelée à se transformer en initiative de résistance. Voilà ce qu'il se passe, pendant que, de son côté, en Colombie, le gouvernement fait passer une résolution par laquelle il livre près de 20 millions d'hectares aux entreprises minières internationales.

Depuis que nous avons compris tout ça nous savons que les peuples et les processus populaires ont un droit sacré et essentiel. Le droit à résister, à défendre nos formes de vie, nos cultures, notre identité. Avant, nous devions mettre à profit toutes nos capacités et notre unité, pour éviter qu'ils convertissent notre territoire en théâtre d'opérations militaires et institutionnelles, tout en niant notre présence et nos droits. En nous transformant en victimes. Aujourd'hui, face à ces discours d'assassins qui nous méprisent, investissent nos maisons, nous expulsent de notre territoire et nous tuent, nous devons nous refuser à disparaître. Nous devons redevenir le « Grand Peuple » chez nous. Quiconque, à l'intérieur ou à l'extérieur de notre processus, a des intérêts différents de notre droit sacré à résister, quiconque a des intérêts différents de ceux de résister à ce Projet de Mort au service de l'accumulation, rejoint le discours des violents, profite de notre mort et de notre souffrance dans le but de faire des bénéfices.

Comme on l'a entendu il y a peu de temps, il s'agit de la « Bataille finale du Cauca ». Une bataille entre eux, ceux qui gagnent par la guerre ou se complaisent dans le commerce, contre nous, les communautés, les membres de celles-ci, les peuples du monde qui revendiquons notre présence et notre Plan de Vie. Nous nous sauvons du commerce, des balles et des mensonges et nous prouvons que nous sommes toujours là, où nous avons toujours été, que nous sommes de cette terre et que nous continuerons d'être avec elle, que tous les acteurs armés doivent s'en aller, les profiteurs et les ennemis de l'héritage Nasa. Notre résistance n'est pas une marchandise et n'est pas absente. Elle est nous-même. Elle est la même, à notre façon, du fait de notre culture, que défendent les peuples de tout le continent et du monde. Avec l'angoisse et la douleur que nous inspirent ces paroles, alors qu'ils nous attaquent et nous volent, nous faisons cette déclaration et la diffusons : nous appelons toutes et tous à résister, à expulser de nos terres ceux qui nous exterminent. Tant que nous aurons la parole, nous continuerons à lutter contre la colonisation et pour notre véritable autonomie.
Traduction au français  : solidaritépeuplenasa