10 juillet 2012
Les choses n'ont jamais
été aussi claires dans le Nord du Cauca-colombie. Jamais. Nous
avons manifesté, nous nous sommes mobilisés, avec toute notre force
et notre conviction pour exiger que les acteurs armés s'en aillent
du territoire. Lors de mobilisations, d'assemblées et d'audiences
publiques, nous avons dénoncé les abus que commettent l'armée, la
police, les paramilitaires et la guérilla sur tout le territoire. De
plus, encore une fois, nous avons signalé et réitéré une vérité
qui a orienté la Minga de Résistance sociale et communautaire et
qui devient encore plus évidente aujourd'hui lorsqu'ils
convertissent notre territoire, par le biais de la terreur et de la
guerre, en une Zone de Consolidation, pour les intérêts
d'exploitation des multinationales : cette guerre, d'où qu'elle
vienne, a des motivations et bénéfices économiques. Ils nous
exproprient pour nous forcer à partir, pour voler la Mama Kiwe
(Terre Mère) et sa richesse, pour la soumettre et la tuer afin d'en
finir avec notre processus et notre Histoire sur ce territoire.
La dernière fois que
nous l'avons déclaré ce fut à Miranda. Nous avons exigé du
gouvernement qu'il retire ses bases militaires de la région. Le
Ministre de la Défense (des intérêts transnationaux) nous a
répondu en nous accusant devant le monde entier d'être des
guérilleros, des complices des terroristes et annonça qu'il ne
retirerait pas les bases. De son côté, la guérilla a répondu au
Ministre et à la communauté mondiale en attaquant Jambalo, Toribio,
Miranda, Cerro Tijeras, tout en continueant ses actions dans tout le
Nord du Cauca et dans tout le Cauca. En ce moment même, les
habitants de ces communautés ont été déplacés de force, du fait
de la menace proférée par les Farc : ils doivent s'en aller
avant midi ou assument les conséquences. La réponse de fait de la
guérilla au Ministre de la Défense est claire et simple : ne
retirez pas les bases Monsieur le Ministre, il est justifié que vous
les mainteniez. Il est nécessaire que votre armée reste en terres
indigènes, qu'elle tue, maltraite, viole et vole car le prétexte
nous le fournissons nous-même, la guérilla des Farc. Un prétexte
fait de balles et de bombes. Un prétexte fait de mort. Vous attaquez
les indigènes et les accusez d'être des guérilleros, nous vous
répondons et attaquons également les communautés indigènes et si
elles ne sont pas contentes, nous les accusons d'être des traîtres
et « colabos », comme vous.
Ici tout est clair. Notre
Cxab Wala Kiwe (Territoire du Grand Peuple), en vertu des plans
économiques de spoliation et de destruction de la résistance et des
peuples ancestraux, est devenu un véritable théâtre d'opérations
militaires dirigées contre nous, par les bandes de combattants, afin
de nous accuser, nous dénoncer, nous maltraiter, refuser notre
présence et notre processus d'organisation, nous expulser et nous
exproprier. En ce moment même se concrétise, selon les plans du
Pentagone et du Plan Colombie, la transformation de ce qui a été
notre foyer depuis des milliers d'années, en un espace contrôlé
par des militaires s'emparant du pouvoir corporatif. L’État et la
guérilla mettent fin à notre résistance et à notre processus
millénaire, afin d'offrir ces terres aux intérêts économiques.
Ils sont en train de nous tuer.
Mais il n'y a jamais eu
seulement la guerre et la terreur, pas plus qu'aujourd'hui. En plus
des mensonges et des tromperies des médias de masse et de la
propagande que personne ne peut plus croire, il y a les politiques,
les projets, la cooptation cachés derrière de nombreux masques et
derrière les lois. Ils gouvernent, depuis le niveau local
municipal, en passant par des programmes et des projets
d'infrastructures, de santé, d'éducation, de développement
économique, qui seront écrasées par les locomotives de
l'expropriation. Sur notre propre territoire, alors qu'ils nous
finissent à coup de balles et de terreur, ils implantent à
l'intérieur et par le biais de nos organisations et communautés, à
travers les plus diverses charges et fonctions, des projets
d'expropriation sous couvert de bien-être et d'aide humanitaire. Ils
profitent du fait que nous soyons occupés à demander des
subventions et à organiser des activités, pour consolider leur plan
d'expropriation. Cette forme d'institutionnalisation de notre
processus fait partie du Plan de Consolidation du gouvernement et de
la guerre pour la spoliation qui nous fait disparaître en nous
transformant en cible des intérêts étrangers. Pendant que nous
sommes occupés à refuser la guerre, cette stratégie, plus efficace
et perverse, nous exproprie de manière invisible et sans résistance.
Les institutions qui profitent ou servent ces intérêts, d'où
qu'elles viennent, exercent le « Droit » de tout voler,
et en trompent plus d'un ici, qui continuent de se battre pour des
subventions accordées par ceux qui nous exproprient, tout en les
présentant comme un bénéfice au nom de la résistance indigène,
ou comme un soutien vital et urgent pour défendre les victimes. Ils
nous rendent dépendants, victimes et incapables afin de nous
empêcher de continuer à résister et à construire nos Plans de
Vie. C'est la colonisation de toujours, à travers le modèle actuel.
Bien sûr cet abus ne se
produit pas seulement dans le Nord du Cauca. Les Zones de
Consolidation ont été définies depuis longtemps dans le Plan
Colombie, et vient le moment de leur application. Il s'agit d'un
calendrier à long terme afin de semer la mort et le mensonge et
institutionnaliser la spoliation dans tout le pays, mais c'est aussi
le principal produit d'exportation colombien dans le monde, puisqu'en
ce moment ils agressent violemment les indigènes, par exemple dans
le Wallmapu, à Santiago del Estero, Salta et Tucuman (Argentine) par
des répliques grossières et évidentes de ce qui se fait ici.
Pendant qu'au Mexique, où ils appliquent le Plan Colombie sous un
autre nom, ils imposent la terreur et truquent les élections
présidentielles (encore), en Bolivie le peuple s'élève contre le
projet de route du TIPNIS (encore). A Cajamarca (Pérou), les
policiers à la solde des transnationales minières ont assassiné 5
personnes faisant partie de « Conga no va ! », la
coalition populaire pour refuser le projet minier de « Yanacocha » ;
cette guerre intégrale les extermine de la même façon que nous. Au
Paraguay, les transnationales avec le soutien du Commandement Sud
(États-Unis) ont fomenté le coup d’État, afin d’accéder aux
ressources en eau, aliments, minéraux et biens collectifs du Cône
Sud. Dans ces pays et ces communautés, ils résistent. Les gens
prennent la rue. La conscience croît et la solidarité est appelée
à se transformer en initiative de résistance. Voilà ce qu'il se
passe, pendant que, de son côté, en Colombie, le gouvernement fait
passer une résolution par laquelle il livre près de 20 millions
d'hectares aux entreprises minières internationales.
Depuis que nous avons
compris tout ça nous savons que les peuples et les processus
populaires ont un droit sacré et essentiel. Le droit à résister, à
défendre nos formes de vie, nos cultures, notre identité. Avant,
nous devions mettre à profit toutes nos capacités et notre unité,
pour éviter qu'ils convertissent notre territoire en théâtre
d'opérations militaires et institutionnelles, tout en niant notre
présence et nos droits. En nous transformant en victimes.
Aujourd'hui, face à ces discours d'assassins qui nous méprisent,
investissent nos maisons, nous expulsent de notre territoire et nous
tuent, nous devons nous refuser à disparaître. Nous devons
redevenir le « Grand Peuple » chez nous. Quiconque, à
l'intérieur ou à l'extérieur de notre processus, a des intérêts
différents de notre droit sacré à résister, quiconque a des
intérêts différents de ceux de résister à ce Projet de Mort au
service de l'accumulation, rejoint le discours des violents, profite
de notre mort et de notre souffrance dans le but de faire des
bénéfices.
Comme on l'a entendu il y
a peu de temps, il s'agit de la « Bataille finale du Cauca ».
Une bataille entre eux, ceux qui gagnent par la guerre ou se
complaisent dans le commerce, contre nous, les communautés, les
membres de celles-ci, les peuples du monde qui revendiquons notre
présence et notre Plan de Vie. Nous nous sauvons du commerce, des
balles et des mensonges et nous prouvons que nous sommes toujours là,
où nous avons toujours été, que nous sommes de cette terre et que
nous continuerons d'être avec elle, que tous les acteurs armés
doivent s'en aller, les profiteurs et les ennemis de l'héritage
Nasa. Notre résistance n'est pas une marchandise et n'est pas
absente. Elle est nous-même. Elle est la même, à notre façon, du
fait de notre culture, que défendent les peuples de tout le
continent et du monde. Avec l'angoisse et la douleur que nous
inspirent ces paroles, alors qu'ils nous attaquent et nous volent,
nous faisons cette déclaration et la diffusons : nous appelons
toutes et tous à résister, à expulser de nos terres ceux qui nous
exterminent. Tant que nous aurons la parole, nous continuerons à
lutter contre la colonisation et pour notre véritable autonomie.
Tissu de Communication –
ACIN
http://nasaacin.org/contexto-colombiano/4275-esta-claro-nos-quieren-acabar
http://nasaacin.org/contexto-colombiano/4275-esta-claro-nos-quieren-acabar
Traduction au français : solidaritépeuplenasa
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